Ce fut le coup de tonnerre de vendredi dans le monde du football français: l'annonce
de l'attribution d'une grande partie des droits TV de la Ligue 1 à Amazon, nouveau
venu sur le marché du football hexagonal.
Un affront selon Canal+, qui a d'ailleurs décidé de se retirer.
Qu'est-ce qui a convaincu la Ligue de football professionnel (LFP)? Dans la proposition
faite à la Ligue pour récupérer huit matchs de Ligue 1 par journée - dont les dix
meilleurs choix - contre 250 millions d’euros et huit matchs de Ligue 2 pour neuf
millions, Amazon a ajouté une précision qui n’est pas pour déplaire aux présidents
de clubs: payer tout de suite 40% du montant de la première année à la signature
du contrat. Soit près de 103 millions d’euros.
"On ne vous laissera pas tomber"
Amazon semble vouloir montrer sa solidité financière et sa bonne foi au foot français
en opposition totale avec Mediapro, afin que la confiance s’installe tout de suite,
comme l’a résumé Alex Green (MD Sport d’Amazon Prime Video) dans son tweet: "We won’t
let you down" ("on ne vous laissera pas tomber").
De quoi faire rentrer de la trésorerie au moment où les clubs doivent envoyer pour
lundi leur budget prévisionnel à la DNCG.
Autre précision: même si Amazon va financer les frais de production, celle-ci sera
pilotée par la LFP, qui compte avoir la main qualitativement sur son produit.
Amazon aura forcément un droit de regard, mais c’est bien la Ligue qui sera productrice.
Sa réponse était attendue, elle est à la fois ferme et diplomatique. Dans un entretien
accordé à l'Equipe, Vincent Labrune explique les raisons de l'attribution des droits
TV de la Ligue 1 à Amazon, après la défection de Mediapro. Une décision qui a mis
Canal+ en colère, la chaîne cryptée allant jusqu'à annoncer son renoncement au lot
acquis lors de la première attribution des droits de diffusion, en 2018.
"Le football aujourd'hui, c'est la sidérurgie il y a quarante ans"
"Ce qu'il manquait à l'offre commune Canal+ - BeIN Sports? 60 millions!, répond simplement
le dirigeant de la Ligue de football professionnel. On l'a dit depuis neuf mois:
on est dans une situation financière dramatique. Le football aujourd'hui, c'est la
sidérurgie il y a quarante ans. On est exsangues financièrement, tout le monde le
sait. 60 millions d'euros d'écart, soit 180 millions sur trois ans, pour des clubs
qui ne savent même pas comment ils vont finir l'exercice, c'est beaucoup d'argent."
Une simple question de somme donc pour le président de la LFP, qui considère toujours
Canal comme un "partenaire majeur". "On discute avec le groupe Canal+ depuis huit
mois et on a essayé à maintes et maintes reprises d'accélérer un accord pour rassurer
nos clubs, nos partenaires et nos banquiers. Les dirigeants de Canal+, pour des raisons
qui leur sont propres, ont fait le choix d'attendre. [...] Ils ont tiré un peu sur
la corde en termes de calendrier et ils ont pris un risque. Mais je n'ai pas le sentiment
que les clubs étaient revanchards. Canal+ n'a pas laissé tomber le foot français,
mais a peut-être été frileux dans la dernière ligne droite."
"Un contrat est fait pour être respecté"
Après l'annonce du retrait de Canal+, faut-il craindre la même chose de la part de
BeIN, détenteur du lot, qui avait revendu la diffusion à la chaîne cryptée? "On a
un contrat avec beIN Sports qui n'a pas manifesté, à date, sa volonté de le résilier,
résume Vincent Labrune. J'ajouterai à ce sujet, comme l'a rappelé le gouvernement,
qu'un contrat est fait pour être respecté. Les dernières décisions de justice sont
toutes en notre faveur."
"Si vous achetez un appartement et que deux ans après le marché de l'immobilier s'écroule,
vous ne pouvez pas dire à celui qui vous l'a vendu que c'était trop cher... Il faut
être sérieux", ajoute le dirigeant. Pour rappel, ce fameux lot est payé 332 millions
d'euros pour les affiches du samedi à 21h et dimanche à 17h.